
Des panneaux thermiques en sous-sol
Transformer n’importe quelle infrastructure en sous-sol en source de chaleur ou de refroidissement: voilà l’ambition d’Enerdrape, une spin-off de l’EPFL. Sa première installation test de panneaux géothermiques vient d’être inaugurée à Lausanne.
C’est fin 2018, au sein du Laboratoire de mécanique des sols de l’EPFL, que Margaux Peltier, le professeur Lyesse Laloui et Alessandro Rotta Loria ont eu l’idée de développer leur technologie permettant de capturer l’énergie géothermique et la chaleur fatale présente dans les environnements souterrains. Il s’agit concrètement de panneaux géothermiques modulaires préfabriqués et simples à installer. De pitchs en financements, la start-up Enerdrape est officiellement créée en juin 2021 et Margaux Peltier se consacre désormais pleinement au développement de la technologie brevetée.
«Notre panneau géothermique est au souterrain ce que le panneau solaire thermique est à l’extérieur», résume la jeune entrepreneure. Son rôle est en effet identique: récupérer la chaleur pour les besoins de chauffage et de refroidissement des bâtiments. Il suffit ainsi de fixer les panneaux sur une surface en sous-sol – les murs d’un parking par exemple – pour que celle-ci joue le rôle d’échangeur de chaleur. De quoi valoriser de nombreux environnements souterrains existants, quelle que soit leur température ambiante.
DIVERSIFIER LES SOURCES DE CHALEUR
Si la technologie présente des similitudes avec celle des pompes à chaleur, c’est l’aspect modulaire des panneaux qui est particulièrement innovant dans le domaine de la géothermie. «Pas besoin de forage!» souligne en outre Margaux Peltier. «Et jusqu’à présent, personne n’a produit de chaleur dans ce type d’environnement.» La technologie Enerdrape affiche pour l’heure un rendement de 100W/m2 de panneaux, grâce notamment à la relative constance des températures dans les environnements en sous-sol. Soit un peu moins que le rendement des sondes géothermiques. «Mais on réduit considérablement les coûts, notamment parce qu’on ne doit pas forer», ajoute-t-elle. «Sans compter la valeur ajoutée en termes d’esthétique.»
Pour elle, l’avantage de cette innovation réside surtout dans le fait qu’elle offre la possibilité d’installer une technologie de type pompe à chaleur là où les systèmes classiques ne peuvent pas être implémentés: «On ne répond pas tant à une question d’efficacité énergétique qu’à une question de diversification des sources de chaleur.»
DEUX ANS POUR ÉTABLIR LES PREMIÈRES RÉFÉRENCES
Parking et caves d’immeubles sont ainsi dans le viseur de la jeune pousse, ainsi que l’énorme marché des infrastructures ferroviaires et routières souterraines. «Nous visons également le hors-sol, notamment les sites de production dégageant beaucoup de chaleur, comme les fournils de boulangerie ou les petites salles de serveurs», précise Margaux Peltier. Dans la mesure où les panneaux fournissent de la chaleur autour de 30°C, celle-ci devrait idéalement être consommée in situ. L’entreprise vise toutefois aussi l’alimentation de réseaux de chaleur basse température.
Une installation test d’une dizaine de panneaux prototypes vient d’être inaugurée à Lausanne. Des discussions sont en cours avec plusieurs partenaires afin de développer ensuite des pilotes à différentes échelles. «Nous commençons une levée de fonds en vue de financer les deux prochaines années, au cours desquelles nous devrons établir nos premières références», ajoute-t-elle. «Et nous préparerons en parallèle le panneau pour son industrialisation dès 2024.» Si Enerdrape se focalise en priorité sur le marché suisse, elle tisse également des contacts prometteurs en France, en Angleterre et aux Etats-Unis. «Notre stratégie est de conclure des partenariats avec les gros fournisseurs d’énergie afin d’implémenter le plus rapidement possible notre technologie sur un marché déjà bien segmenté», conclut l’entrepreneure.
La plateforme CleantechAlps apporte son soutien aux entreprises actives dans les technologies propres. En partenariat avec elle, Efficience 21 met en lumière ceux qui font les cleantechs en Suisse occidentale.